Il avait plu gros serré en tornade, il pleuvait fin, humide crachin parfumé d’iode sur la nuit qui tombait, – ou qui montait du bitume, rejoignant la lisière noire des nuages groupés serrés continus. Il avait beau dire, le Calvo, il n’arrivait rien de plus que d’habitude. Le chuintement des roues qui démarraient, l’aigu des essuies glaces ripant sur les pares brises des véhicules immobilisés aux feux. La luisance grasse du goudron mouillé s’étalait. Au sol : le double clignotement vert de la pharmacie, enseigne en croix et lettres incompréhensibles aicamraf, la lueur paille libérée par la porte ouverte de l’autre bar à tapas, un gras de friture sur l’adhérence moite de l’air. Tout comme pareil aux soirs précédent. Les pavés, serrés rafistolés de bitume, la bordure du trottoir au même niveau que la flotte glutineuse, le caniveau bouché ce soir par un amas de feuilles vertes et longues, des flopées de mégots, deux canettes, l’une rouge et blanche, l’autre plus longue d’un brun chaud et cette bande de papier mou manuela cav/ dont les lettres avaient été mangées, absorbées. Le gonflement d’eau sale empêchée dégorgeait et délayait la lueur des phares reflétée au ras des roues. Très haut, les fenêtres de la tour : un Rubik’s cube en cours, au jaune mal aligné avec une case rouge isolée. Le sourire torve du graff édenté continuait de me fixer sur le mur d’en face, souligné d’un você também* narquois sous ses lèvres molles, les rares passants pressaient le pas – sans doute poussés par l’odeur matte et froide du carrelage bleu et jaune, griffé du soutenu ammoniaqué de vieilles pisses de l’antique chiotte publique. Annoncé par son sourd ronflement de diesel, le bus de 18h17 flottait à l’angle du boulevard Jorge, poussant l’ombre de son ventre anguleux épinglé de l’orangé de ses feux sur l’asphalte où il dessina, fugitivement, un étang de noirceur, ébène sur noir mouillé.
* toi aussi

L’ensemble des contributions de la proposition 6 sur tiers livre