Le soleil tape à travers la vitre. Les stores baissés plongent l’espace dans la pénombre. Se détache sous la clarté du dehors la vigueur des branches longues et basses, le tronc imposant. Le premier chêne, épaissi par les silhouettes successives de ceux qui le prolongent. L’allée est obombrée par la voûte de leurs branches, le feuillage, épaissi de mousse espagnol, retient la lumière frémissante sous le vent léger. L’ombre est bleue verte. La pelouse s’étire de l’allée au porche blanc, trop verte presque comme le blanc l’est trop, lui aussi. Le chêne chuchote. Le plancher blond caresse la plante du pied nu de sa douceur presque tiède. « Tu es déjà venue ici ». La certitude monte des pieds, de la fermeté douce du plancher, le cœur se serre étrangement en regardant au dehors les frondaisons et cette mousse qui pend des branches, si exotique, si familière. La peau un peu tirée par le sel du bain de mer, le paréo noué à la hâte et le tee-shirt encore humide mais les pieds secs même si le sable noir de l’île s’est installé en festons épars sur la peau. « Je suis déjà venue ici ». La sensation d’évidence ripe et glisse sur le magazine posé sur l’une des machines du Lavomatic du 57 rue de Ménilmontant où figure la photo de petit format, un 10×15 sans doute, tandis que vrombit le sèche linge où tournent, tombent, se ramassent les pièces de tissus humides, marron, blanc délavé, gris, roue lente de linge un peu triste. Plus fort qu’un sentiment de déjà vu. Violemment troublée dans la plantation déserte puisque le corps le disait de toutes parts. Absolument nostalgique face à la photo du magazine. Une mémoire antérieure inaudible, certaine et fermée.
L’ensemble des contributions à la proposition 7 sur tiers livre