# – 183e jours
452 un peu comme un 007, un espion, un agent, un avec des pouvoirs, doté de capteurs intégrés, de gadgets derniers cris – système de géolocalisation, sismographe interne, lecture infra rouge -, un espion qui décrypte tes gestes, tes attitudes, tes rituels, ce que tu fais ou pas, qui vient chez toi, quand tu sors, tes vêtements, ta façon de manger, les écrans que tu consultes, tes états d’âme.
A qui remet-il son rapport ?
# – 187e jours
452, c’est le matricule qui revient, la désignation efficace du gommage donné par le nombre. Un code. Bien plus court que tous ceux qui encombrent la mémoire à court terme, bien plus court que tous ceux qui donnent accès sur le net à ces interfaces qui ont remplacé les gens, les agences, la présence, l’échange. Assurances, électricité, eau, santé, argent, divertissement, addictions, le clavier clapote, les données cavalent, le chiffrement du langage se transforme, s’ordonne en logique de navigation, les fenêtres s’ouvrent et le monde au dehors se referme. Tu n’es qu’un nombre parmi d’autres, une suite de chiffres INSE, numéro de sécu, de chômeur, identification et mot de passe. En même temps que ça court dans les tuyaux, les mots qui désignent les choses du monde se sont allongés, se sont éloignés du réel, d’un certain réel, cette langue de bois, du placo pour recouvrir la chair et le sang, le désir et son absence, la dureté et cette violence qui sourde, une novlangue pour faire genre, pour manipuler la pensée au dedans, la rendre inopérante, comment penser avec « technicien de surface » ? Avec « usager » ? Avec « migrant » ? Avec « agent d’entretien » ?
Comment rejoindre le monde avec ces termes qui nous en éloignent ?
La pensée commence au bout de tes doigts qui touchent, de ta peau qui ressent, du goût qui tape ta langue, de l’air et de sa saveur, de la lumière qui éblouit, de sa chaleur, de son absence au fil des nuages un peu bas blanc gris, du silence traversé, troué par la succession de notes sifflées, impératives, interrogatives, par les trilles qui se croisent au dehors, le retour d’oiseaux qui savent déjà que ça revient, le printemps, les beaux jours, par le rythme de ton pas entre herbe et terre au bord des hanches larges du fleuve.